Elyse Galiano

Plasticienne

«Apolline, Constance et les autres…»
2014-2019, 60 x 120 cm
Cheveux naturels, toile coton, châssis bois.
Série de protocoles de courtoisies brodés en français, néerlandais, anglais, italien, arabe.
Photos Aurélie Choiral

«Apolline, Constance et les autres…» 
2014-2019, 60 x 120 cm, détail
Photos Aurélie Choiral

«de l'intime» 
2016, 120 x 42 cm 
Ancienne chemise de nuit, cheveux naturels. 
Photo Aurélie Choiral

«Sylvia» 
2019, 70 x 50 cm 
Cheveux naturels, coton, cadre en corian
Photo Aurélie Choiral

«sexisme pépouze» 
2024, 44,5 x 68,5 cm 
Cheveux naturels, chemise d'homme, cadre bois blanc 
Photo galerie That's what x Said

«sexisme pépouze» 
2024, 44,5 x 68,5 cm, détail
Photo galerie That's what x Said

«nue» 
2017, 120 x 60 x 17 cm 
Cheveux naturels, bois 
Photo Aurélie Choiral

Biographie

Née en 1980 à Strasbourg, en France, Elyse Galiano obtient sa licence en arts appliqués à Strasbourg. Elle poursuit ensuite des études aux Beaux-Arts de Besançon, qu'elle complète par un diplôme DNSEP (niveau Master) en 2004. Durant ses études, l'artiste fréquente stages et résidences d'artistes. Elle effectue notamment un stage au Nouveau Théâtre de Besançon. Après ses études, elle travaille plusieurs années à l'Opéra de la Monnaie à Bruxelles en Belgique, où elle intervient dans les ateliers de sculpture, de tapisserie, de teinture et d'accessoires de costumes. Pour approfondir ses compétences pratiques, elle intègre l'Atelier de Couture de Caroline à Bruxelles. Plus tard, elle travaille comme scénographe et costumière pour plusieurs théâtres, dont le Théâtre de la Guimbarde à Charleroi et la Lily & Compagnie à Tournai.

La pratique artistique d'Elyse est un guide dans l'ensemble de ses activités. Souvent, ses scénographiques évoquent ses installations où le tissu joue un rôle important. Depuis 2006, une passion pour la broderie se développe, se reflétant dans sa création. Ainsi, le fil est de plus en plus remplacé par des cheveux naturels, signe de son intérêt explicite pour l'histoire des femmes et leur rôle dans la société. Cette recherche s'est manifestée dans les expositions personnelles et les participations de l'artiste, à partir de 2014. "Apolline, Constance et les autres…" (Spazio Testoni, Bologne, 2018) était sa première exposition personnelle en Italie. Outre les broderies sur toile de la série éponyme, l'exposition proposait des portraits en cheveux naturels (De corps et d'esprit), une installation en fil de laiton et une salle dédiée à l'artisanat féminin. Comme pour la broderie de cheveux sur toile, pour "Apolline, Constance et les autres …", Elyse brode des extraits des anciens manuels de bonnes manières pour femmes.
Avec ses installations sculpturales, elle a été représentée dans de nombreuses expositions personnelles et collectives, principalement en France, en Belgique et en Italie. Après la double exposition personnelle "Fil rouge" avec Donatella Lombardo à la galerie Contemporanea2 de Florence (avril 2018), la galerie milanaise Manuel Zoia a consacré son stand aux œuvres d'Elyse au BOOMING Contemporary Art Show de Bologne (janvier 2020).

Par ailleurs, elle crée des décors pour des festivals, anime des ateliers de broderie et intervient dans des écoles (Mus-e asbl, Bruxelles). Au cours de sa longue activité dans divers théâtres, elle réalise des scénographies et des costumes pour plusieurs productions. Elyse signe la scénographie des pièces "Melle Lily", "Alba", "Rouge, fil rouge", "Lisières" pour le Théâtre de la Guimbarde.
En décembre 2024, Elyse Galiano est invitée par la journaliste, auteure, réalisatrice de documentaires et romancière belge Myriam Leroy, douze artistes ont interprété 4300 messages haineux et antiféministes d'un groupe Facebook privé. L'exposition "Sexsime pépouze" fut présentée à la galerie That's what x Said à Bruxelles. La contribution d'Elyse est une œuvre brodée qui interprète la chemise d'homme et reprend une phrase emblématique de ces conversations "C'était le bon temps, le sexisme pépouze".

Après quinze années en Belgique, Elyse vit et travaille à Le Mans, France.

Texte – Astrid Gallinat pour Artificialis

Combat ordinaire

Il y a quelque chose de l'ordre du combat ordinaire dans le travail d'Elyse Galiano. Le combat d'une femme, sur des pratiques et des injonctions sociétales aussi anciennes les unes que les autres. C'est en se réappropriant ces pratiques, en les assimilant d'abord, autour du tissu, de la broderie, du lien, qu'Elyse nous met en lumière, en les travaillant, les carcans qui nous étaient/sont imposés depuis toujours.
A l'instar de la maison, comme le disait Bachelard, la femme est "corps et âme". Elle déambule à même les règles de vie et des formes de jeux qui lui sont imposés, préalablement, qui l'enserrent et la structurent.

Bien qu'il y ait effectivement "quelque chose" de fondamentalement modifié dans les bons conseils de droiture appliqués et attendus des femmes, sommes-nous pour autant si différent(e)s qu'au siècle passé, sommes-nous beaucoup plus libres les un(e)s par rapport aux autres? Résonnons-nous aussi fort que dans ces extraits de poèmes de Dickinson, retissés ou rebrodés sur ces mouchoirs anciens qu'Elyse a pris soin d'encadrer après les avoir réalisés? La dentelle est-elle fiable et friable de nos jours, ou est-ce toujours de bon goût qu'une frange de cette matière vienne à lécher nos jupons? Ces cheveux qu'elle a artistiquement apposés au niveau de la poitrine de cette nuisette nous dérangent-ils, et si oui, pourquoi?
Quelque chose a changé, évolué, c'est certain; mais pour autant, regardons les corsets encore en place, ceux qui nous enserrent, révélons-les, montrons-les nous. 

Rigueur et méthode...

La vie d’affaire.
"La femme doit adopter dans une large mesure l’état d’esprit masculin. Elle travaillera avec exactitude, sérieux et méthode." Convenances et bonnes manières, 1953.

C'est en renouant avec des pratiques de l'artisanat classique, aussi appliquées et destinées à la classe sociale la plus élevée, qu'Elyse déconstruit le ton péremptoire de l'ordre et de la méthode rigoureuse. De sa grand-mère, de sa mère, de son père,... elle a appris cette méthodologie quasi parfaite de la tenue d'un tissu, de son repassage à son port, du pliage à la façon de le ranger méthodiquement. Cette transmission tacite mais pratique d'un inconscient collectif est passé de génération en génération. A présent, elle brode, avec une infinie minutie, des phrases extraites d'anciens manuels d'éducation et de bonne manière à l'usage des jeunes filles. Elle coud ces textes avec des cheveux naturels.

Comprendre, apprendre, appliquer... pour éventuellement réfuter ces règles mises en lumières, se révolter contre cet ordre établi, ou encore le valider, après l'avoir déconstruit, éventuellement.
Elle qui vient des arts appliqués se pose constamment la question du pourquoi des choses, elle cherche, manipule jusqu'à trouver le bon médium pour raconter cette histoire qui a du sens, qui transcende l'objet singulier vers une métaphore universelle, souvent dure, criante, secouante mais éclairante, pour tous et toutes.

Contre-chaos ordinaire

En travaillant à l'aide de matériaux naturels tels que les cheveux, Elyse insuffle cette force vitale à ses œuvres, à même les tissus et les tableaux...
On frise l'étrangeté de cet être qui apparaît, celui de l'objet, de ses pratiques, de ces non-dits sociétaux, de ces cheveux qui semblent vouloir s'échapper alors qu'ils sont si figés, quoiqu'encore vivants, mouvants. La petite fille que nous sommes encore pourrait encore presque jouer, s'amuser avec tous ces objets artistiques, sauf que nous ne sommes plus autant dupes, peut-être. Cette étrangeté révélée nous dérange et nous fascine. Nous ne pouvons plus faire comme si nous n'avions pas vu, deviné, compris ce que ces œuvres nous révèlent, à nous-mêmes et aux hommes.
Il y a quelque chose de très combatif toujours, dans le travail d'Elyse Galiano, contre (tout contre) le chaos, une démarche qui va à l'encontre du désordre sans forme, inapproprié. Chaque chose doit être à sa juste et jolie place, comme dans toute mise en espace digne de ce nom, comme dans un petit théâtre (qu'est notre vie), il convient que le décor soit adapté, que la saynète sonne juste et soit bien préparée, soignée, prête.
C'est dérangeant, angoissant de ce qu'on y devine, c'est glacé parfois, c'est fort et beau. C'est vivant, c'est féminin.

Samantha Crunelle
Échevine Watermael-Boitsfort - Belgique / tisseuse de liens

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